HRP - Récit (2)

Jour 8

Il a beaucoup plu encore cette nuit, mais ce matin je décolle au sec et atteins rapidement l'étang de Baborte.

Plein d'eau juste avant d'arriver au col de Siliente. C'est dans cette descente que je me fais la plus grande frayeur de ma traversée. Alors que je descends, concentré sur les cairns, je m'arrête au bout d'un petit goulet pour chercher le cairn suivant, sur ma gauche. Rien à gauche. Vu que je sors du goulet, le chemin s'ouvre maintenant à droite. Je tourne la tête et bondis. Une vache, cachée jusqu'ici derrière la butte, 2m devant moi, est en train de me fixer. Je finis par trouver le cairn...

En face, le lac de Certascan est en train de se faire recouvrir de chantilly ariégeoise.

Sur le dernier replat avant le Pla de Boavi, je suis obligé de traverser à gué tellement ça dégouline de partout.

Deux fois encore je vais devoir passer des ruisseaux pieds nus, le niveau de l'eau est haut, mais ce n'est rien quand on voit à quoi ressemble le lit du ruisseau. On se croirait par endroit en train de faire du canyoning.

Je manque de peu d'assister à l'accouchement d'une limace!

Pause énergie au Pla de Boavi. Je descends vers la route et bifurque au niveau des granges pour monter vers Certascan. Sur mon topo, il y a deux chemins, qui ne correspondent pas à ce que je vais grimper. Au départ, je suis un balisage blanc et rouge, puis pars à gauche. Le chemin est balisé rouge et très très bien cairné (un tous les 10m). Au milieu, je perds le fil et dois prendre un peu de hauteur pour retrouver le sentier. Il y a par là une cabane (Bordes de Llurri, à droite sur la photo), doit y'avoir moyen d'y dormir aussi.

Je retrouve le GR, puis Certascan une heure plus tard, qui s'est heureusement bien découvert. Le refuge a souffert de la neige cet hiver.

Le chemin jusqu'au col de Certascan est encore très enneigé. Nous sommes le 13 août! Le versant ouest est plus dégagé.

Je coupe vers l'étang de Flamisella pour éviter de redescendre jusqu'à Noarre. Passé l'étang, il faut tirer à l'est pour passer un collet au nord du Cap de Causes, et descendre est-nord-est en suivant une espèce de vallon.

Alors que les possibilités de cheminement se réduisent, on trouve quelques cairns qui mènent à un sentier à flanc très raide.

Ne pas descendre trop, rester de niveau, voire monter légèrement. On rejoint finalement l'embouchure de l'estany Xic/Del Port. Là, je me suis complètement fourvoyé, à cause du brouillard à couper au couteau. Totalement déboussolé. Content d'avoir le GPS là...

Le chemin qui rejoint la HRP par l'estany de Mollas n'est pas très bien tracé, et la fin se fait hors-sentier. Il faut traverser 3 vallons successifs.

Finalement, je me demande si la descente à Noarre n'est pas plus rapide... En tout cas, en cas de brouillard, c'est certain. Il ne me reste plus que quelques centaines de mètres de D+ avant d'arriver au refuge du Mont-Roig. Un petit crachin s'installe, mais c'est assez pour transformer le GR en torrent.

J'arrive trempé au refuge Enric Pujol. Deux espagnols; un jeune HRPiste allemand, équipé ultralight; et un HRPiste français, Clément, bien chargé. Je discute beaucoup avec ces deux derniers, on déballe du matos, on s'expose nos astuces. Soirée sympa et dodo sur de bons matelas bien mous!

Parcours: 27km, 2100m D+, 1800m D-

Jour 9

Le brouillard d'hier soir s'est dissipé, super vue au lever!

Je suis des cairns en crête pour monter jusqu'à l'étang majeur de la Gallina. Le collet de la Gallina est encore bien enneigé, je décide de passer par la baisse de Curios et rattrape Clément en train de gravir le col de la Cornella, un truc super raide (à droite sur la photo).

Nous descendons ensemble jusqu'à Alos d'Isil, discutant randonnée longue-distance et couture. Lui part se ravitailler à Esterri d'Aneu et je me pose durant 2h pour faire sécher mes chaussures et manger. Il fait chaud à 1300m!

Deux gars arrivent d'Airoto, ils font une portion de HRP. On discute un moment sur la difficulté de trouver le chemin entre Alos d'Isil et le col de Moredo, ils ont un peu galéré dans la végétation. Avant de partir, je prends en photo la carte qui indique le tracé de la HRP pour rejoindre Airoto (en rouge). En pointillés jaunes, le trajet que j'ai en fait emprunté, sans encombre.

Départ à 15h00 (que calor!!) sur un bout de sentier étroit entouré d'herbes hautes, que je quitte à la première occasion pour traverser le ruisseau de Moredo. Là je rejoins la piste en suivant une sente plus ou moins bien tracée dans les herbes toujours hautes. La piste monte en lacets et permettrait d'arriver en-haut sans réfléchir, mais on peut couper (il y a quelques départs de sentes) en grimpant tout droit sur une petite croupe, plus ou moins hors-sentier mais sans gros obstacle. On finit par rejoindre à vue un grand virage de la piste, qui mène jusqu'au col de Moredo, 1100m au-dessus d'Alos d'Isil.

Petite pause avec une belle vue sur le lac d'Airoto. Le refuge est sur le bout de terre entre les deux lacs.

17h30, je devrais avoir le temps de rejoindre le Port de la Bonaigua! Pour ne pas redescendre jusqu'au refuge d'Airoto, je choisis de contourner le lac par le nord en descendant dans les éboulis à droite.

Cela ne s'avère finalement pas être une super option, car ce que je gagne en dénivelé, je le perds en distance. Par contre la descente, de gros bloc en gros bloc, est très ludique. Je sors des blocs pour remonter dans l'herbe sous le col d'Airoto.

A partir de là, je vais tracer tout droit à vue jusqu'à l'Estany de Garrabea. Certains endroits sont un peu chauds, ça passe vraiment à flanc de montagne, souvent dans les blocs, mais j'évite assez bien les rhodos. Je me retrouve à devoir suivre des chemins d'isards ou encore désescalader un passage trop raide. Je rencontre d'ailleurs un isard.

J'arrête mes essais d'orientation (le jour commence à tomber) après avoir tenté de contourner l'Estany de Garrabea par le nord et rejoins des cairns au-dessus de l'étang.

Suite du sentier à flanc, hors des rhodos, dans l'herbe. Des chevaux, des vaches, une lumière chaude, un lac d'une jolie forme, la fatigue qui aiguise les sensations: l'alchimie d'une agréable fin de journée!

Je suis presque au Port de la Bonaigua, qui est en train de se faire recouvrir d'un onctueux velouté en provenance du Val d'Aran. En face, les Encantats revêtent une teinte rose, ambiance enchanteresse.

Mais la déception prend le relais. Toute la journée, j'ai marché avec une idée en tête: manger ce soir le bon repas dans ma dépose au Port de la Bonaigua. Maintenant j'y suis, mais ma dépose n'y est pas. A la place, de la terre retournée, les cailloux que j'avais posés dessus à côté. Je ne l'avais pas très bien planquée, certes, pour être sûr de la retrouver dans les genêts. En un mois quelqu'un a du tomber dessus. Je passe une heure, à la frontale, à ratisser la zone. Nada. Je me résouds finalement à monter l'abri, finir mes rations et reprendre les recherches demain matin.

Parcours: 28km, 2000m D+, 2100m D-

Jour 10

Réveil à 7h pour poursuivre mes recherches.

Encore 1h de plus à fouiller toute la zone, des fois qu'il ait été déposé à côté, mais pas de sac. Bon, bah... aller-retour en stop à Vielha pour se ravitailler.

Petite toilette pour avoir l'air clean, la première voiture, un narbonnais, me prend. Je remonte en 3 sauts de puces avec des espagnols, tous aussi sympas les uns que les autres, malgré ma difficulté à aligner plus de 3 mots dans leur langue.

Je suis de retour à 13h au port de la Bonaigua. C'est reparti pour les Encantats. Une fois dans la vallée, on rejoint une piste qu'il faut suivre jusqu'au bout. Prendre ensuite sur quelques centaines de mètres le chemin qui monte au refuge de Saboredo. On peut aussi y passer, mais ça rallonge. On peut couper tout droit est-sud-est depuis le barrage du premier lac qu'on rencontre. Traverser et rejoindre la petite cabane au bord du barrage. De là, à l'est au-dessus, un gros mamelon barre le passage. Il faut se diriger vers lui et le contourner au plus près par la gauche. Continuer ensuite de monter tout droit dans la pente pour rejoindre le sentier en Balcon qui lie Saboredo au prochain col (Col du Tuc Gran de Sendrosa). On rejoint rapidement Colomers.

Pas super joli, et ça pue en plus... Je monte au port de Caldès, une belle vallée s'ouvre au sud. Encore deux petits collets et j'aperçois le lac du Cap de Port. Le Montardo est tout juste 500m au-dessus de moi, à 2939m. Tiens j'aurais pu y faire un aller-retour... Une vache est sur mon chemin, elle se casse la gueule. Dommage qu'elle n'ait pas réitéré sur la video...

Vache sur les chemins des Encantats

Je rejoins le lac de Cap de Port, alimenté par une résurgence qui coule à flot.

Il n'est pas très tard, 19h30, mais je décide de m'en tenir à mon prévisionnel et m'arrêter là pour aujourd'hui. Je prends le temps de me doucher, de manger, de sortir les cartes et de réfléchir à mon chemin de demain. Des orages sont annoncés pour les 2 prochains jours... Vais-je contourner la Maladeta par le sud (GR11) ou par le nord (Col de Molieres)? Deux randonneuses me confirment que le gardien de la Restanca annonce de l'eau en fin de matinée au sud, sur les Besiberri. En fait je voulais rejoindre le GR11 sud pour aller dormir au pied de l'Aneto, et pouvoir tenter l'ascension le lendemain matin. Mais ça va taper aujourd'hui, il ne fait pas bon aller dormir en hauteur. Sans parler de l'état des névés au petit matin... Tant pis, je suis le trajet classique de la HRP.

Je ne monte l'abri qu'une fois la nuit tombée, le bivouac étant théoriquement interdit ici...

Parcours: 18km, 1300m D+, 1100m D-

Jour 11

Départ à 7h30, le temps a l'air dégagé.

A la Restanca, plutôt que de passer par le lac de Mar, je continue tout droit sur le GR11, où je rattrape et bavarde avec deux HRPistes. Le soleil est déjà haut alors que j'atteins l'Estanh de Rius.

Depuis le port de Rius, la vue sur la Maladeta se découvre. Un berger espagnol cherche ses moutons. Le ciel est encore très clair.

Mais le temps de descendre jusqu'à l'hospital de Vielha et remonter au refuge de Molieres, ça se couvre. En face de moi, le pic de Molière, avec à sa droite le col du même nom.

En se retournant, on aperçoit le Port de Rius à gauche, d'où je viens. La couche de neige par ici est encore bien épaisse.

Je fais une petite pause pour laver mes chaussettes, manger un peu, avant de repartir dare-dare à 13h avant que l'orage ne m'empêche de passer le col.

Pas mal de gens descendent. Peu avant le col, un couple espagnol est en train de monter, alors que le ciel est en train de se boucher définitivement. La fille n'est pas super à l'aise.

Ils sont étonnés de me voir arriver tout droit par un névé: en fait, mon GPS était complètement pommé et me donnait une position 50m à côté de la plaque. Alors j'ai tiré tout droit à vue. Le mec me demande si c'est bien par là qu'on monte, et si c'est difficile. Ma réponse: j'en sais rien, mais ça a l'air de passer par là!

Le col par contre est bien déneigé, quelques petits pas de grimpe et j'y suis. C'est bon, je suis passé avant l'orage. 14h, j'ai tout juste le temps d'aller manger mon Tuc au sommet en laissant mon sac au col :D

Tuc de Molieres

Je dis une bétise dans la vidéo: le premier sommet qu'on voit à droite des nuages, que je confonds avec la Maladeta, c'est l'Aneto!!

Alors que je redescends chercher mon sac, quelques gouttes se mettent à tomber, ça tonne au loin. Allez, je m'élance dans cet océan de granit pour vite m'éloigner des hauteurs.

Cette descente est magnifique: la roche, les remparts, le ciel, la vallée dessous. C'est un des coins qui m'a le plus plu de cette traversée.

A mesure de la descente, je scrute les environs à la recherche d'un abri sous roche, pour vite me mettre au sec en cas de grosse averse. L'orage est tout juste derrière moi et se fait allègrement entendre. Finalement, j'ai droit à quelques gouttes mais rien de durable.

Un rayon de soleil illumine l'idyllique Plan d'Aigualluts.

Je commence à fatiguer, n'ayant pas fait de pause déjeuner depuis ce matin. Je mange un bout avec vue sur la vallée de Remuñe, rampe d'accès au massif des Gourgs Blancs.

Le ciel tient encore côté français, mais plus pour longtemps. Je ne sais pas trop par quel chemin poursuivre: traverser les Posets en arrivant par le sud? Remonter la vallée d'Estos par le GR11? Passer en France au pied des Grougs Blancs? Tout ça est tellement lié à la météo... Mais il est en train d'arriver un truc qui va me laisser plein de temps pour me décider: la pluie. Alors que je passe aux abords de l'Hospital de Benasque, les nuages se déchirent. Je me réfugie en vitesse dans le jardin d'enfants de l'Hotel.

18h30, ça n'a pas l'air de se calmer, j'en profite pour manger et donner des nouvelles. Un mur d'eau arrive, je dois me décaler pour éviter d'être trempé (même à l'abri). Bon, ça semble mal barré pour bivouaquer. Je rentre à l'Hospital de Bénasque demander les prix. Déjà, c'est super classe, c'est mauvais signe. J'ai pas compris tout ce que la réceptionniste m'a raconté, mais c'est trop cher. Genre 160€ la chambre de 4. Et ils n'ont que ça...

Finalement, j'attends que la nuit tombe en étudiant les possibilités pour demain et je me pose clandestinement sur le sol d'un kiosque en bois, toujours dans ce jardin d'enfants, répondant au doux nom de "Mirador de marmotas". La nuit porte conseil.

Parcours: 30km, 1900m D+, 2300m D-

Jour 12

Départ discretos à 6h15. Tout est trempé, il a plu pratiquement toute la nuit. Il fait beau, mais aujourd'hui encore, il y a un risque d'orage annoncé pour la soirée. Pas top, encore une fois, pour aller passer une nuit au pied du deuxième sommet des Pyrénées... Allez, je vais la jouer raisonnable et laisser tomber mon idée de traversée sud/ouest des Posets. On va aller voir ce que les Gourgs Blancs offrent comme panorama.

Je remonte la vallée de Remuñe, ça dégouline de partout. Les salamandres sont de sortie.

Le cheminement rive gauche du ruisseau est très humide, je réussis à mettre un pied à l'eau en traversant l'un des nombreux affluents du Remuñe. Il est d'ailleurs plutôt bien rempli et sa traversée, alors que ses berges se transforment en petit canyon, n'est pas une mince affaire. J'arrive finalement en-haut de la vallée et passe la porteille enneigée, après plus de trois longues heures à grimper ces 1000m. Pas la grande forme ce matin...

Voilà ce qui se dévoile alors devant moi. Le lac blanc de Literole, le Perdiguère tout à gauche, et le col supérieur de Litérole à droite, mon chemin. Puissance et beauté réunies.

Le col supérieur de Litérole est d'ailleurs encore très enneigé, et sa raideur me fait hésiter à prendre une route plus praticable et plus près des cimes. Mais aujourd'hui encore, il y a un risque d'orage annoncé pour la soirée, et j'aimerais bien me sortir de ce massif avant qu'il n'éclate.

Quelques traversées faciles plus loin, me voilà à quelques pas du col. J'enfile mes mini-crampons pour la seule et unique fois de toute ma HRP.

La pente s'accentue. Le piolet en mode traction dans une main, un bâton raccourci dans l'autre, je monte droit dedans. Mes pieds glissent pas mal dans la neige fondue, pas très élégant comme technique, mais en utilisant au maximum l'adhérence de mes bras, j'arrive rapidement en haut.

Descente sur le refuge du Portillon avant de remonter au-dessus du lac du Port d'Oô. Quelques nuages commencent à s'installer, magnifique vue sur le col des Gourgs Blancs, la pointe Jean Arlaud à gauche et le pic Gourdon à droite.

Une bonne descente en ramasse m'attend, sous le regard surpris d'une famille d'espagnols. J'atteins le col des Gourgs Blancs par un chemin pas vraiment typique, juste sous la pointe Arlaud. 13h, j'ai la dalle, pause chips. Derrière moi au milieu, l'envers du col inférieur de Litérole, en arrière-plan d'un paysage complètement minéral.

Au sortir du glacier des Gourgs Blancs (qui d'ailleurs n'a plus grand chose d'un glacier sur sa partie basse, mis à part que mon GPS est complètement déboussolé), je tire à gauche hors-sentier pour rejoindre à flanc le col de Pouchergues. Les pentes sont raides, les pierriers pas très stables, je pense qu'il est préférable de descendre 100m de plus et remonter vers le col sur un sol plus praticable.

Au col de Pouchergues, pas grande trace de passage, à part celles des isards que je fais fuir.

Depuis le col, il faut descendre en S jusqu'à rejoindre le chemin orienté sud-est qui monte au lac de Clarabides. D'abord un peu à gauche, pour éviter des barres, puis à droite en suivant un vallon jusqu'à un étang, puis encore à gauche pour partir en traversée rejoindre le chemin. Attention à ne pas trop descendre sur cette dernière traversée, ça devient vite raide et glissant (gispet). Je rejoins finalement la HRP après 1h30 de hors-sentier m'ayant fait gagner pas mal de temps.

Le temps tient bon même si c'est bien nuageux. Le col d'Aigues Tortes est raide, tant mieux, ça se monte d'autant plus vite! Au col, le soleil fait même son apparition. Ça y est, je suis sorti des Gourgs Blancs, me revoilà en Espagne, avec en face de moi, les Posets, tête dans les nuages, et le GR11 qui descend de la vallée d'Estos, pour rejoindre Viados.

En demandant des infos sur l'abri de Viados, un marcheur (qui ne semble pas le connaître), m'indique qu'il y a un camping aux "granges" (ancien village transformé en lieu touristique pour espagnols en 4x4). Je passe à l'abri, c'est correct mais je ne cracherais pas sur une bonne douche/lessive au camping.

Arrivé à Viados, le temps s'est bien dégagé.

C'est décidé, soirée lavage. Et réparation, pour mes chaussures dont les coutures ont souffert des pierriers.

Demain, je récupère une dépose. Avec de la semoule, youhou! Fini les pâtes crues! D'ailleurs, j'ai une bonne idée pour finir mes pâtes avec le peu d'alcool qu'il me reste: je vais les laisser tremper le temps de recoudre mes chaussures, avec juste assez d'eau pour les faire cuire, et finir de les cuire au réchaud. L'idée était bonne, elles ont bien cuit. Trop cuit. Le peu d'eau et la puissance du réchaud ont tout fait cramer, le fond de ma popote est maintenant à jamais recouvert d'une fine couche noire!

Parcours: 30km, 2400m D+, 2500m D-

Jour 13

Aujourd'hui, c'est journée de transition: pas mal de piste, un peu de route, la deuxième dépose, tranquille, après l'étape d'hier. Je quitte le camping et reprends le GR11 qui monte à l'Urdizeto. Une dizaine de 4x4 descendent d'un petit village sur le chemin, ça pue! Mais la piste laisse bientôt place à un sentier.

Derrière moi, les Posets se sont découverts.

Sur l'autre versant, ça klaxonne. Ou plutôt ça beugle. Les vaches sont en train de rejoindre une estive et un rétrécissement de voie (un sentier quoi...) crée un énorme bouchon.

La montée jusqu'à l'embase de l'Urdizeto est plutôt cool. Je tombe sur une source qui jaillit de terre, au goût un peu terreux.

Source sous l'Urdiceto

La descente sur Parzan par contre est très longue, 2h de marche sur une piste en plein cagnard. Mais en bas, je déterre ma deuxième dépose, et là, c'est festin: maquereaux à l'huile et ratatouille, riz au lait et fruits du verger en sirop!

Outre quelques gâteaux qui ont été entamés par des fourmis, et mon saucisson qui a moisi à l'humidité, tout est bon à manger. Je rachète un saucisson à l'épicerie "de frontière" de Parzan, qui fournit tout ce qu'on peut trouver de bon pour randonner, ouverte tous les jours de 8h à 20h. Très pratique si on veut éviter les déposes. Derrière la station service, il y a même des conteneurs avec une petite boite jaune prévue pour les piles! Elle est accrochée sur la face droite du conteneur bleu (papier).

Le repas terminé, il est 15h. J'ai de l'avance car j'avais prévu de dormir ici. Mon planning me faisait suivre le GR11 pour aller dormir au balcon de la Pineta, mais c'est trop long pour aujourd'hui et trop court pour demain (je veux dormir au Balcon, au pied du Mont Perdu). Je change donc de plan: descente par la route jusqu'à Bielsa et stop jusqu'au pied du Balcon.

Après quelques kilomètres à pied, un groupe d'espagnols en van me prend au sortir de Bielsa, dans les virages en épingle, et me déposent au pied du Balcon. Superbe endroit, très impressionnant.

Il est 17h00, le soleil illumine encore bien ce cirque de calcaire, je m'attaque aux 1200m de D+ qui me séparent de mon lieu de bivouac. D'abord sur le chemin principal, puis je me laisse distraire par des cairns. Ils empruntent le lit du ruisseau à sec pour remonter plus droit dans la pente. D'ailleurs sur la fin du raccourci je pars un peu trop à gauche et dois reprendre à droite pour rejoindre le sentier principal, bien évident au milieu. Il y a par endroits encore d'énormes névés, un gars s'y amuse.

Le chemin grimpe bien, mon sac chargé à bloc avec ses 5 jours de nourriture est là pour me le rappeler. Mais la vue fait vite oublier l'effort. Il y a des iris partout ici!

J'atteins finalement le Balcon de la Pineta à 19h30. Le Mont Perdu et le Cylindre du Marboré ont la tête dans les nuages. Mais qu'est-ce que c'est beau!! Ces nuances de calcaire tricolore, agrémenté de blanc et de bleu.

C'est par là qu'il va me falloir grimper demain matin, pour rejoindre le col à droite du glacier. On distingue la cheminée en diagonale (sud-est nord-ouest) au-dessus du névé en forme de T.

Il est tôt, je vais me rapprocher le plus possible de la cheminée pour être prêt à monter demain. Ah tiens, je ne suis pas seul, deux gars sont là au bout du balcon en train d'admirer le cirque comme moi. Je commence à parler espagnol, l'un me dit qu'ils parlent pas très bien espagnol. Ah, cool. Des français :D

On discute un peu, ils terminent demain leur virée de 5 jours autour du Mont Perdu. Yohann et Fred ont exploré tout le coin, sauf... cet accès au col du Cylindre. Ils ne connaissent pas trop l'itinéraire. Et puis y'a cette cheminée, cotée III, qui les inquiète. Vu que c'est mon itinéraire de demain, je leur propose de les y conduire. Marché conclu. Reste plus qu'à trouver un coin pour bivouaquer. Là, c'est parfait (dans l’herbe, pas dans la caillasse hein!).

On mange ensemble, on discute de rando légère, de bricolage. On est tous les trois d'accord sur un point: pas besoin pour randonner de la dernière veste de Pata ou de la toute nouvelle tente ultra-méga-light de Terra Nueva. Suffit de bricoler un peu pour avoir le meilleur matos du monde. Ils ont fait la HRP y'a quelques années aussi, alors ça leur rappelle des souvenirs.

Réveil fixé demain à 7h, pour "voir" comment la météo se présente. Avant de me laver les dents et faire dodo, je me régale d'une barre de chocolat noisettes à la lueur de la lune. Les sommets se sont découverts. Instant magique, que je savoure autant sinon plus que mon chocolat (et pourtant...).

Il me tarde demain!

Parcours: 40km, 2300m D+, 1300m D- (dont 10km et 100m D+ en voiture)