Sac de couchage hyperlight : 310g pour 0°C

A l'origine de cette conception, il y a un besoin: pouvoir dormir sous abri potentiellement ouvert, en moyenne/haute montagne estivale. Plus concrètement :

  • confort jusqu'à au moins 0°C
  • limite jusqu'à au moins -5°C
  • possibilité de faire sécher au soleil de temps en temps
  • exposé à des courants d'air qui peuvent venir refroidir l'ensemble

Le tout pour un poids et un encombrement minimum. Compte tenu de ce qui existe sur le marché, je me suis fixé un poids total de 300g.

Construction

Pour être plus performant qu'un sac de couchage conventionnel, j'ai orienté ma conception sur le principe de vapeur-barrière. En plus de conserver la chaleur émise par le corps, on conserve également sa transpiration/perspiration, ce qui limite un peu plus la perte de chaleur.

Oui mais tout gain a un coût. L'eau s'accumule à l'intérieur du sac. Alors, on finit la nuit trempé ? Non, pas vraiment. D'une part, le corps a tendance à limiter l'évaporation d'eau lorsque l'environnement ambiant arrive à saturation d'eau. D'autre part, il existe des astuces pour limiter l'accumulation d'eau sur le corps: porter des vêtements, ventiler le sac de temps en temps dans la nuit...

Globalement, l'avantage de la performance thermique couvre l'inconfort (relatif) de la non-respirabilité du système. Mais c'est un équipement à ne mettre qu'entre les mains d'un MUL averti :)

Choix de la forme: un quilt

Le quilt est adapté à ce type de sac de couchage car d'une part, il permet d'économiser le poids d'isolant dans le dos (à condition d'avoir un bon matelas), d'autre part il permet de ventiler facilement durant la nuit.

Concernant la forme, la footbox est cylindrique et la partie supérieure un grand rectangle. Entre les deux, un tronc de cône fait la jonction. Le dos est ainsi ouvert sur un peu plus de la moitié du sac. Pas de cloisons circulaires (comprendre préformées en arc-de-cercle) pour faciliter la fabrication de ce premier essai. Les cloisons sont transversales, et permettent donc de déplacer le duvet. Par exemple, en fermant le quilt à la façon d'un sac de couchage, on peut augmenter la quantité de duvet sur le dessus en le déplaçant.

Choix des matériaux

  • Duvet d'oie 800 cuin EU

Le meilleur rapport isolation/(poids*encombrement). Utilisé pour la presque totalité du sac, cloisonné en caissons.

  • Climashield APEX

Isolant synthétique au très bon rapport d'isolation. Utilisé pour le fond et le dessous de la footbox. L'idée est de limiter les zones d'écrasement et tassement du duvet dans des cloisons inférieures et verticales.

  • Cuben 11g/m²

Complètement étanche, résistant, compactable et pas trop désagréable au contact avec la peau. Et super léger. Le fait qu'il soit étanche permet justement de conserver la vapeur du dormeur.

  • Moustiquaire 17g/m²

Utilisée pour les cloisons, de manière à laisser circuler l'air. L'élasticité permet d'éviter de trop contraindre l'enveloppe extérieure lorsque le quilt est complètement fermé (et a donc une forme de sac de couchage).

  • Nylon 10D HD 23g/m²

Deux bandes de tissu respirant traité anti-duvet (en noir sur les photos) courent le long des bords. Elles permettent d'améliorer grandement le gonflage et le dégonflage des caissons. Une fois le dormeur en place, ces bandes sont écrasées et en grande partie obstruées.

Calculs et découpe

Quantité de duvet

Pour du 0°C confort, je suis parti du 200g de duvet + 20g de Climashield APEX dans la footbox. C'est moins que ce que les formules mathématiques recommanderaient (autour de 300g), mais devrait être suffisant pour un quilt (sans duvet dans le dos) barrière-vapeur (non-respirant).

J'ai choisi un coefficient de compression du duvet de 1.7, ce qui veut dire que les cloisons sont 1.7 fois plus petites que le volume que prendrait le duvet sans contrainte d'espace. Cette valeur est empirique et similaire aux sacs en duvet du commerce. Cela permet au duvet d'être vraiment immobile (et donc isolant). En mode quilt fermé, si on concentre le duvet sur une largeur de 100cm, on arrive à une compression de 2.1. Trouver un juste milieu n'est pas évident : si la compression est trop faible, le duvet n'isole pas de manière optimale et il y a un surplus de tissu. A l'inverse, un duvet trop compressé n'isole pas à son maximum non plus (c'est l'épaisseur d'isolant qui importe).

De manière à ce que l'isolation soit homogène, les cloisons doivent toutes avoir la même hauteur, déterminée par le coefficient de compression. Chaque cloison a un volume qui dépend de la largeur du sac à cet endroit, donc la quantité de duvet dans chaque cloison est différente.

Dimensions du sac

La longueur du sac à plat est de 180cm. La footbox a une circonférence intérieure de 86cm (dont 24cm de Climashield, sous les pieds et au fond). La circonférence aux épaules est de 100cm. Ce n'est pas très large, mais suffisant pour mon gabarit pour utiliser le sac la majorité du temps en mode quilt, et vraiment quand il fait froid, fermer le sac.

Une fois les dimensions intérieures déterminées, les dimensions extérieures sont directement liées au coefficient de compression du duvet dans les cloisons :

  • 2 cloisons de 12.5cm pour la footbox, sur une circonférence de 62cm
  • 2 cloisons de 12.5cm pour la jonction en tronc de cône, une de circonférence 95cm, l'autre de circonférence 115cm (au centre de la cloison)
  • 10 cloisons de 12cm sur la partie haute, de circonférence 100cm
  • 1 cloison de 10cm autour du cou, de circonférence 90cm.

Il ne reste plus qu'à calculer la hauteur des cloisons, qui dépend du coefficient de compression et du gonflant du duvet.

Si 30g de duvet (norme européenne) occupent 800 "cubic inch", soit 13110 cm³, 1g occupe 437 cm³. Donc, pour 200g de duvet compressé à 1.7 :

(2*62*12.5 + 1*95*12.5 + 1*115*12.5 + 10*100*12 + 1*90*10) * h = 200*437 / 1.7

Ce qui donne h = 3cm. Voilà notre hauteur de cloison.

Le dernier calcul compliqué concerne les dimensions des troncs de cônes (intérieur et extérieur) qui joignent la footbox à la partie supérieure. C'est un peu barbare, je ne sais pas si le jeu en vaut vraiment la chandelle. On doit pouvoir faire beaucoup plus simple en n'enchaînant que des cylindres simples au lieu de troncs de cônes.

Mais si vous voulez vraiment savoir : j'ai utilisé une feuille de calcul pour déterminer facilement les dimensions à reporter sur le tissu.

Pour le calcul du tronc de cône intérieur, on obtient les mesures à reporter pour la découpe en prenant comme petit périmètre 86cm (circonférence intérieure de la footbox), 110cm pour grand périmètre (100cm de la partie supérieure + 10cm d'espace) supplémentaire) et 25cm comme hauteur.

Pour le calcul du tronc de cône extérieur, il faut calculer les périmètres avec une cloison de 3cm, ce qui revient à rajouter 2Π*3=18.9cm aux dimensions ci-dessus : petit périmètre de 105cm, grand périmètre de 129cm, hauteur inchangée de 25cm.

Y'a plus qu'à reporter toutes les dimensions et découper.

Assemblage de l'enveloppe

Les différentes pièces de la footbox sont collées (cuben tape) pour assurer son étanchéité sur le dessus. Assez compliqué de ne pas créer de point froid (enveloppes intérieure et extérieure se touchant), mais on y arrive. Les bandes de tissu respirant sont situées au bord, très peu exposées à l'air et à l'humidité lorsque le sac est à plat.

Pour le reste du sac, les pièces sont cousues entre elles, y compris les cloisons au cuben. On ne recherche pas l'étanchéité parfaite, donc ce n'est pas un souci.

Le plus compliqué, une fois de plus, est l'assemblage du tronc de cône, et sa fonction avec la footbox, encore une fois, avec la contrainte de ne pas créer de point froid. Il y a forcément quelques approximations au tracé qui finissent par donner un écart de 2 ou 3cm à l'assemblage, mais sans grand impact sur les dimensions finales.

Penser à ce moment là à mettre les passes-fils et attaches-cordons là où cela semble judicieux.

Remplissage du duvet

En reprenant le calcul de la hauteur de cloison plus haut, on obtient le volume de chaque cloison. Il ne reste plus qu'à y fourrer la bonne quantité de duvet, soit Vcloison * 1.7 / 437. Fermer les cloisons au fur et à mesure qu'elle sont remplies.
J'ai sur-rempli un peu les cloisons de la footbox pour assurer une bonne tenue du duvet.

Au total, avec tous les petits fils par-ci par-là, on arrive à 310g, poids conforme à mes attentes. Reste plus qu'à aller voir sur le terrain si la performance est au rendez-vous!

Tests terrain

Les premiers tests sont concluants : une nuit estivale sous mon abri relativement aéré, 6-7°C la nuit, petite brume. C'est validé, je pars sur la HRP avec !

Mise à jour 2015

Je remets ici quelques retours après avoir traversé les Pyrénées avec ce sac de couchage. Je suis globalement satisfait, le rapport thermicité / poids est incroyable. Il me permet d'affronter sereinement un température de 0°C, et je n'ai pas encore eu l'occasion d'atteindre ses limites. Quelques points notoires quand même, histoire de lui trouver des défauts :

  • Malgré le tissu étanche à l'eau et à l'air, les petits trous suffisent pour permettre une accumulation d'humidité à l'intérieur du duvet lors des nuits humides. Ce n'est pas un souci dans l'absolu, du moment qu'on peut faire sécher le sac fréquemment (c'était dans mon besoin initial). Je ne partirais pas en Ecosse avec ! A titre d'exemple, suite à une seule nuit arrosée, le duvet a emmagasiné 70g d'eau (pesé en rentrant), soit 25% du poids du sac. C'est normal et comparable à d'autres sacs de couchage, mais à bien prendre en considération.
  • Le fait que le tissu soit étanche fait que l'intérieur est en permanence humide. Le moindre courant d'air à l'intérieur du sac est du coup malvenu, créant ainsi une désagréable sensation de froid. Il faut d'une part apprendre à dormir sans créer de courant d'air (pas évident avec un quilt), et d'autre part s'habituer à l'humidité permanente. On s'y fait assez vite.
  • Dernier point, bien plus noir que les deux premiers : le cuben rétrécit avec le temps. Mon sac, toujours stocké correctement, qui mesurait à l'origine 180 cm, ne fait maintenant plus que 165 cm. La différence est énorme ! On récupère un peu en étirant le sac, mais pas assez. A vraiment prendre en compte lors de la conception !

Mon avis

En conclusion, c'est un équipement très performant, qui permet de dépasser bien des limites. Très technique, je ne le recommande qu'aux personnes ayant vraiment envie de pousser l'allègement très loin. La matière première coûte très cher, le travail est long, l'utilisation très délicate et la durabilité du produit très discutable. Pour des températures supérieure à 0°C, je reste persuadé qu'un sac de couchage en tissu classique et avec isolant synthétique de qualité reste un bien meilleur choix sur beaucoup de plans, si l'on est prêt à porter 200g de plus ...